Les contentieux multiples autour des Frégates de Taiwan se poursuivent. Nous avons commenté dans un précédent numéro (« La cour de cassation renvoie l’affaire des frégates de Taiwan devant le juge de l’annulation » La Revue n°145), la portée de l’arrêt de la Première Chambre de la Cour de cassation (Cass. Civ. 1ère Chambre, arrêt n° 128 du 11 février 2009, 06-18.746) rendu dans le cadre d’une procédure d’annulation de la sentence arbitrale du 6 septembre 2004. La question posée en l’espèce était de savoir si le secret défense opposé par l’Etat français constituait une entorse au principe du contradictoire, susceptible de provoquer l’annulation de la sentence arbitrale rendue à l’encontre de la société Thalès (ex-société Thomson CSF).

Le nouveau rebondissement vient désormais des juridictions suisses mais porte sur une autre sentence arbitrale.

Par un arrêt du 6 octobre 2009, le Tribunal fédéral Suisse prononce l’annulation de la sentence arbitrale du 31 juillet 1996 et renvoie « la cause (..) au tribunal arbitral qui a statué ou à un nouveau tribunal arbitral à constituer suivant le règlement de la CCI ». Pour mémoire, la sentence visée par l’arrêt du Tribunal fédéral condamnait la société Thalès à verser les commissions aux intermédiaires pour l’achat de six frégates vendues par la France à Taïwan.

Par cet arrêt, le Tribunal fédéral a accueilli le recours en révision (Art.394 Code de la Procédure civile Suisse) exercé par Thalès contre cette sentence CCI et admet, sur le fondement de l’article 123 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), la révision de ladite sentence dès lors qu’une « procédure pénale établit que l’arrêt a été influencé au préjudice du requérant par un crime ou un délit, même si aucune condamnation n’est intervenue (…) il est sans importance que l’information pénale ait été conduite à l’étranger, pour autant qu’elle ait respecté les garanties minimales de procédures prescrites par les articles 6 §2 et 3 de la Convention Européenne des Droits de l’homme CEDH et article 14 alinéa 2 à 7 du Pacte de l’ONU II. »

En l’espèce, l’élément nouveau ayant ouvert la voie de la procédure de révision est l’ordonnance de non-lieu rendue le 1er octobre 2008 par le juge d’instruction français. La juridiction Suisse a ainsi estimé que cette ordonnance permettait de relever des faits ayant conduit a « trompé la religion des arbitres en procédant à une mise en scène et en ayant recours à des manœuvres frauduleuses destinées à faire condamner la société X au paiement de commissions indues ». Selon le Tribunal fédéral suisse, ces faits constitutifs d’une escroquerie au sens de l’article 10 alinéa 2 du code pénal « a exercé une influence directe sur la sentence des arbitres ». Le Tribunal fédéral suisse a accueilli ainsi le recours en révision introduit par Thalès et a annulé la sentence du 31 juillet 1996. Il convient donc de rester attentif à la portée d’une telle décision et de la position qui sera retenue par le nouveau tribunal arbitral et la justice française. Affaire à suivre…

 

Article rédigé par Jennifer Juvénal