Article mis à jour le 4 juin

L’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (JO du 25 avril), refond entièrement le Titre IV du Livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

Nous traitons ici du Chapitre 1 relatif à la transparence dans les relations commerciales, à savoir, les CGV, la convention unique, les factures et délais de paiement. Ce chapitre 1 est divisé en plusieurs sections et sous sections.

LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE VENTE (Section 1)

L’ordonnance crée un nouvel article L.441-1 du Code de commerce organisé en quatre parties distinctes :

  1. Le contenu des CGV, comprenant les conditions de règlement ainsi que les éléments de détermination du prix, et notamment le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. Lorsque le prix d’un service ne peut être déterminé a priori, le prestataire de services est tenu de communiquer la méthode de calcul du prix ou un devis ;
  2. L’obligation de communication des CGV (sur un support durable) à tout acheteur qui en fait la demande. Les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs de produits ou de prestations de services ;
  3. Le rôle des CGV, qui comme par le passé, doivent constituer « le socle unique de la négociation commerciale » ;
  4. La sanction du défaut de communication des CGV. Il s’agit dorénavant d’une amende administrative (et non plus civile) qui peut donc être imposée par la DGCCRF . Elle ne peut  excéder 15 000€ pour une personne physique et 75 000€ pour une personne morale.

L’ordonnance crée aussi un nouvel article L. 441-2 pour les obligations prévues au III de l’ancien article L. 441-6 qui n’ont pas trait aux CGV (il s’agit de dispositions concernant une obligation d’information pour les prestataires de services, conservées à droit constant).

LA NÉGOCIATION ET LA FORMALISATION DE LA RELATION COMMERCIALE (Section 2)

Conventions écrites (Sous-section 1)

La nouvelle ordonnance réorganise et modifie les dispositions relatives à la convention unique avec les nouveaux articles L.441-3 et suivants du Code de commerce.

L’article L.441-3 fixe les règles générales s’appliquant (hors produits agricoles et denrées alimentaires) à tout distributeur, qu’il soit grossiste ou détaillant :

  • C’est le régime allégé applicable aux relations avec les grossistes (ancien L. 441-7-1) qui devient le régime général. Pour l’essentiel les principes restent inchangés. Comme par le passé la durée est de 1 à 3 ans et les conventions doivent être conclues soit avant le 1er mars, soit dans les 2 mois d’un cycle de commercialisation. En revanche, les CGV n’ont à être communiquées que dans un « délai raisonnable » avant ces dates.
  • Les avenants au contrat devront être faits par écrit, ce qui entérine la position de la CEPC qui reconnait la possibilité de conclure des avenants à la convention pour tenir compte de la vie des affaires, à condition que cet avenant soit justifié par un élément nouveau et qu’il ne traduise pas une renégociation totale du contrat.  Cette disposition est applicable à toute convention en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance.
  • En ce qui concerne les prix : (i) la convention peut dorénavant prévoir les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente sont applicables, (ii) les services de « coopération commerciale » entrent dorénavant également dans la détermination du prix, (ce qui correspond à la pratique commerciale) et le fait qu’il faille mentionner la « rémunération globale » des services de coopération commerciale suppose que soit déterminée dès le 1er mars l’enveloppe globale de ces services (exprimée en valeur et/ou en pourcentage de chiffre d’affaires) et (iii) il n’est plus fait mention de la date d’effet des prix comme c’était le cas dans la relation avec les détaillants.
  • Lorsqu’elle est conclue pour une durée de deux ou trois ans, la convention fixe les modalités selon lesquelles le prix convenu est révisé. Ces modalités peuvent prévoir la prise en compte d’un ou de plusieurs indicateurs disponibles reflétant l’évolution du prix des facteurs de production.

Des dispositions supplémentaires figurant au nouvel article L.441-4 s’appliquent aux relations avec les détaillants lorsque la convention porte sur des « produits de grande consommation » ou « PGC » :

  • En fait, le code se réfère plus précisément aux « produits non durables à forte fréquence et récurrence de consommation » (dont la liste est fixée par décret) . Il s’agit de produits vendus dans les grandes surfaces alimentaires.
  • Le Code définit le terme de grossiste, auquel ce régime ne s’applique pas.
  • Le barème de prix n’a pas besoin d’être joint à la convention, si celle-ci précise les modalités de consultation du barème ayant servi de base à la négociation.
  • Les conventions devront fixer le chiffre d’affaires prévisionnel annuel et, le cas échéant, ses modalités de révision, ce qui est conforme aux pratiques des professionnels (de nombreuses conventions, des ristournes de fin d’année ou des prestations de coopération commerciales calculées en pourcentage du chiffre d’affaires). En outre, la détermination d’un chiffre d’affaires prévisionnel est également prévue, notamment pour les besoins de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, afin de déterminer l’assiette de calcul pour le respect de l’encadrement en volume des promotions (établi à 25 % du chiffre d’affaires prévisionnel). Ainsi, l’intégralité des enseignes commercialisant des produits de grande consommation doit déjà prévoir, au titre de l’année 2019, un chiffre d’affaires prévisionnel établi avec chaque fournisseur.
  • Par ailleurs, le chiffre d’affaire prévisionnel constituera avec l’ensemble des autres obligations fixées par la convention, le « plan d’affaires ». Cette nouvelle obligation invite les parties à prévoir dans le contrat un document récapitulatif qui permet de constater rapidement le prix convenu et les éléments qui le justifient (conditions de l’opération de vente, coopération commerciale, et autres prestations de service) ainsi que le chiffre d’affaires prévisionnel, qui sert souvent de base au calcul de ces éléments.
  • La date d’entrée en vigueur de chacune des obligations prévues pour les différents services du distributeur est « concomitante à la date d’effet du prix convenu », ce dernier s’appliquant au plus tard le 1er mars. Les dispositions relatives aux conditions dérogatoires de l’opération de vente (visées ci-dessus) ne sont pas applicables.
  • Le fournisseur communique ses CGV au distributeur au plus tard trois mois avant le 1er mars ou deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation. Le distributeur dispose d’un délai raisonnable à compter de leur réception pour notifier par écrit les motifs de refus de ces dernières ou, le cas échéant, les points qu’il souhaite négocier.
  • La règle sur les mandats relatifs aux avantages accordés aux consommateurs ou nouveaux instruments promotionnels (NIP) s’applique dans ce cadre. Comme par le passé, une limitation dans leur montant s’applique à certains produits agricoles.

Les conventions entre fournisseur et distributeur portant sur des produits alimentaires sous marque blanche (ou marque distributeur) doivent, selon le nouvel article L.441-7, mentionner le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles entrant dans la composition de ces produits alimentaires.

Pour rappel, le Code de commerce impose aussi des obligations relatives aux conventions pour la conception et la production de produits manufacturés fabriqués à la demande de l’acheteur en vue d’être intégrés dans sa propre production, qui figurent dorénavant à l’article L.441-5.

La sanction du non-respect des dispositions sur les conventions (à l’exception de celles portant sur des produits alimentaires sous marque blanche) est dorénavant une amende administrative (et non plus civile) qui peut donc être imposée par la DGCCRF.  Elle ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et 750 000 € pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

Pour les conventions en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance, dont la durée est supérieure à un an, les articles L. 441-3 à L. 441-7 du Code de commerce dans leur rédaction résultant de cette ordonnance s’appliquent à compter du 1er mars 2020.

Clause de renégociation (Sous-section 2)

L’article L.441-8 sur la renégociation dans les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires figurant sur une liste fixée par décret, reste inchangé.

LA FACTURATION ET LES DÉLAIS DE PAIEMENT  (Section 3)

Facturation (Sous-section 1)

L’ordonnance du 24 avril 2019 procède à une harmonisation et une clarification des règles de facturation par le biais du nouvel article L.441-9 du Code de commerce :

  • Pour la date d’émission de la facture, il est fait référence au Code général des impôts, selon lequel la facture est émise «dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services » (article 289 I. 3° du CGI). Selon l’article 256 II. 1° du même code, « est considéré comme livraison d’un bien, le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire ».
  • Le Code précise l’intégralité des mentions obligatoires d’une facture et en ajoute deux : l’adresse de facturation de l’acheteur et du vendeur lorsqu’elle est différente de leur adresse ainsi que le numéro de bon de commande s’il a été préalablement établi par l’acheteur. L’ajout de ces mentions a pour objectif d’accélérer le règlement et de participer ainsi à l’objectif général de réduction des délais de paiement.
  • Transformation de la sanction pénale en sanction administrative : l’amende reste à 75 000 € pour les personnes physiques et passe à 375 000 € pour les personnes morales. Le montant maximum encouru est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de 2 ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. Elle est prononcée par la DGCCRF. L’objectif est donc d’accroître le caractère dissuasif en renforçant l’effectivité d’application des sanctions par la transformation de la sanction pénale en sanction administrative.
  • Les dispositions de l’article L. 441-3 du Code de commerce relatives aux factures restent applicables, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, aux factures émises avant le 1er octobre 2019.

Délais de paiement (Sous-section 2)

Les dispositions sur les délais de paiement et intérêts de retard figurent désormais aux articles L.441‑10 à L.441-16, y compris la nouvelle procédure de rescrit en matière de délais de paiement créée par la loi du 10 août 2018 dite « Loi Essoc » (article L.441-15). La sanction, sous forme d’amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale, reste inchangée (article L.441-16).

 

Il est à noter que les manquements à ces règles sont dorénavant sanctionnés par des amendes administratives et non plus civile ou pénales. Il s’agit de la poursuite du mouvement de remplacement des sanctions pénales et civiles par des sanctions administratives entamé par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation), L’objectif est d’accroître le caractère dissuasif en renforçant l’effectivité d’application des sanctions qui peuvent dorénavant être infligées par la DGCCRF au lieu des tribunaux.

Contact : stephanie.faber@squirepb.com