La Cour d’appel fédérale a confirmé que les Cours fédérales pouvaient interpréter, et interprètent dans les faits, les contrats conclus entre des particuliers tant que l’objet relève de leur ressort.[i] En l’absence de compétence spécifique accordée par la loi, les parties ne peuvent faire valoir de réclamation contractuelle devant la Cour fédérale dans le but d’obtenir des dommages-intérêts.

L’interprétation des contrats et d’autres instruments commerciaux n’est pas du ressort exclusif des cours supérieures provinciales. La Cour d’appel fédérale a noté que dans le cadre de l’exercice de leur compétence pour ce qui touche les questions de droit administratif et maritime ainsi que de fiscalité, de propriété intellectuelle, de protection de la vie privée et d’accès à l’information, les Cours fédérales doivent fréquemment trancher des questions qui nécessitent l’interprétation de contrats.

Dans Salt Canada Inc. v Baker , la Cour d’appel fédérale a infirmé la décision de la Cour fédérale selon laquelle elle n’avait pas compétence pour modifier les dossiers du Bureau des brevets quant à la propriété d’un brevet, concluant que la Cour fédérale avait reçu la compétence expresse de décider qui devrait figurer dans les registres du Bureau des brevets en tant que propriétaire d’un brevet, même si une telle décision entraînait l’interprétation de contrats et d’autres instruments.

La Cour fédérale a été expressément habilitée à rendre des ordonnances concernant le titre de propriété des brevets conformément à l’article 26 de la Loi sur les Cours fédérales et à l’article 52 de la Loi sur les brevets. Salt Canada demandait la modification des dossiers du Bureau des brevets relatifs au titre d’un brevet, ce qui relève carrément de la compétence de la Cour fédérale.

La Cour d’appel fédérale a donné un aperçu des principes juridiques, de l’historique législatif et de la jurisprudence applicables pour déterminer l’étendue de la compétence de la Cour fédérale en matière d’interprétation de contrats, notamment ici en matière de brevets. L’article 52 de la Loi sur les brevets constitue un pouvoir judiciaire pour trancher les questions relatives au titre de propriété d’un brevet et non un pouvoir administratif, car celui-ci aurait autrement été dévolu au Bureau des brevets. La Cour fédérale dispose donc du pouvoir « très large » de décider qui a droit à l’octroi du brevet en veillant à ce que les dossiers reflètent correctement la situation juridique.[ii] Cette décision entraîne invariablement l’interprétation de contrats et d’autres instruments commerciaux.

La Cour d’appel fédérale a mis en garde contre le fait d’évaluer si un litige est « principalement une affaire contractuelle » ou si l’interprétation contractuelle « dictera » le résultat final comme il est envisagé dans Lawther, car cela laisserait les questions de compétence à l’avis d’un juge.[iii]

Il serait indûment onéreux et contraire au principe de l’accès à la justice d’attendre des parties qu’elles commencent par saisir les cours supérieures provinciales en leur demandant des déclarations sur la nature de leurs transactions, puis qu’elles amènent ces décisions au palier des Cours fédérales. La Cour d’appel fédérale a reconnu qu’il peut y avoir des cas où il est plus logique de procéder devant la cour supérieure provinciale ou de suspendre les poursuites devant la Cour fédérale pour permettre des poursuites parallèles devant une telle cour, mais note que ce n’est pas le cas ici.

[i]       Kellogg Co. v Kellogg, [1941] S.C.R. 242, [1941] 2 DLR. 545

[ii]       Clopay Corp. v Metalix Ltd. (1960), 34 C.P.R..232, 20 Fox Pat. C. 110 (Can. Ex. Ct.), aff’d 39 C.P.R. 23, 22 Fox Pat. C. 2 (CSC)

[iii]      Lawther v 424470 B.C.Ltd. (1995), 60 C.P.R.. (3d) 510, 95 FTR. 81, décision jugée incorrecte par la Cour d’appel fédérale (Salt Canada Inc. v Baker, 2020 FCA 127 au para 27)