Dans le cadre de poursuites en contrefaçon de brevet devant la Cour supérieure du Québec, les demandeurs contestaient plusieurs déclarations faites pendant le procès par l’un de leurs avocats (l’avocat-conseil) portant sur l’un des deux brevets en litige. L’avocat-conseil a reconnu avoir outrepassé la portée de son mandat en formulant les déclarations contestées. Le tribunal a conclu au rejet de la demande en raison du fait que  le désaveu n’a pas été soulevé à la première occasion.

Contexte :

Les demandeurs poursuivaient les défendeurs pour la contrefaçon de deux brevets : le brevet canadien no 2 423 830 et le brevet canadien no 2 712 715 (brevet 715). Le procès a commencé en novembre 2019, des dates d’audience étant également prévues en mars et septembre 2020.

Au cours de la partie du procès tenue en novembre, l’avocat-conseil a affirmé que le brevet 715 était invalide. Il a également soutenu que les questions en contre-interrogatoire des défendeurs concernant le brevet 715 n’étaient plus pertinentes. Plusieurs jours après le début du procès, l’avocat ad litem des demandeurs a soumis une demande introductive d’instance modifiée dans laquelle il retirait les allégations relatives au brevet 715. La preuve en demande sur le volet contrefaçon a été déclarée close le 15 novembre 2019.

Le 8 mars 2020, les demandeurs ont déposé une demande en désaveu des déclarations faites par l’avocat-conseil conformément à l’article 191 du Code de procédure civile du Québec. Les demandeurs ont allégué qu’ils n’avaient jamais été consultés au sujet des déclarations de l’avocat-conseil concernant l’invalidité du brevet 715 et qu’ils n’y avaient pas consenti. Les demandeurs ont également affirmé que l’avocat-conseil n’avait jamais été autorisé à renoncer à leurs droits sur le brevet 715 et que cette renonciation leur portait préjudice.

L’admission d’invalidité du brevet faite par l’avocat-conseil a été ratifiée et n’était pas préjudiciable aux demandeurs.

Pour qu’une demande en désaveu soit accueillie en vertu du droit québécois, chacune des conditions suivantes doit être remplie : 1) le ou les actes faisant l’objet du désaveu ne doivent pas avoir été autorisés par le demandeur; 2) le ou les actes faisant l’objet du désaveu ne doivent pas avoir été ratifiés; et 3) le demandeur doit avoir subi un préjudice en raison du ou des actes faisant l’objet du désaveu.

La première de ces conditions a été remplie par l’avocat-conseil, qui a admis au cours de l’audience sur la demande en désaveu avoir outrepassé la portée de son mandat en faisant les déclarations contestées.

Quant à la deuxième condition, le tribunal a conclu que l’admission portant sur l’invalidité du brevet 715 avait été ratifiée. Le désaveu n’avait pas été formulé en termes clairs et non équivoques à la première occasion. La demande en désaveu avait été présentée plus de quatre mois après le début du procès et après que la preuve en contrefaçon des demandeurs ait été déclarée close. Les demandeurs et leur avocat ad litem avaient omis d’intervenir et de s’opposer explicitement aux déclarations contestées que l’avocat-conseil avait formulées à plusieurs reprises, notamment en trois occasions où le tribunal avait invité les parties à clarifier leur position sur la validité du brevet 715.

Bien que le non-respect de la deuxième condition était suffisant pour justifier le rejet de la demande en désaveu, le tribunal a voulu trancher la question de savoir si les déclarations contestées étaient préjudiciables aux demandeurs. Les demandeurs avaient déclaré que l’admission de l’invalidité du brevet 715 faite par l’avocat-conseil leur enlevait toute possibilité de vendre le brevet et de percevoir des redevances. Ce témoignage, que le tribunal a jugé « court, bien vague et très hypothétique », ne satisfaisait pas au fardeau de la preuve requis pour remplir la troisième condition.