Swen de Pauw a posé sa caméra pendant douze mois dans un cabinet d’avocats strasbourgeois spécialisé en droit des étrangers. « Maîtres » est un documentaire juste, émouvant et drôle sur la face cachée du métier.

Rien de spectaculaire dans ces séquences qui montrent les rendez-vous avec des clients étrangers qui ont souvent du mal à s’exprimer, l’étude des piles de documents qu’il faut classer, les dossiers qui ont du mal à trouver leur place dans les armoires bondées. Les gros plans sur les visages reflètent l’écoute, la concentration, l’amusement. Beaucoup de patience, un peu d’impatience parfois.

Tout le talent du réalisateur est là : chaque avocate, chaque client acquiert la stature d’un personnage.

Christine Mengus, la blonde qui ne s’en laisse pas compter « Vous me dites bien la vérité ? C’est pas un interrogatoire de police ici ». Nohra Boukara la brune pétillante. Leurs points communs : humanité, pugnacité et… humour ! Après presque trente ans de barreau, c’est beau. On sent plus d’anxiété chez leur jeune collaboratrice qui tire frénétiquement sur sa cigarette pendant sa minute de répit sur le balcon.

Un client albanais s’était forgé l’identité d’un kosovar à l’époque de la guerre et s’est résolu à se dénoncer pour régulariser sa situation. Il travaille depuis dix ans dans la même entreprise, il a cotisé comme tous les salariés, mais suite à sa démarche, la CNAM et les allocations familiales lui réclament le remboursement des prestations versées pendant toutes ces années, soit 16.000 euros.

Une jeune femme française souhaite épouser un algérien rencontré lors d’un séjour touristique, elle arrive avec un épais dossier et une liste de questions : « Faut-il mieux que le mariage ait lieu en France ou en Algérie ? J’ai étudié un peu (elle s’en excuse) le code de la famille algérien et c’est quand même différent… Mon futur mari tient à ce qu’il y ait également un mariage religieux, quelles sont les conséquences ? ». Les avocates écoutent, expliquent les subtilités juridiques, ne promettent pas de miracle : « tout dépend du juge sur qui on va tomber… ».

Une leçon de courage.