Dans ce 3e billet de la série consacrée à l’accès au droit et à la justice par les blogues, je voudrais exposer pourquoi je crois que le blogue est intéressant du point de vue de l’accès à l’information juridique, en dépit même de ses limites, qui ne sont pas négligeables et que j’aurai l’occasion d’évoquer plus tard.
Il n’est donc pas ici question de prétendre que le blogue serait une panacée pour résoudre les problèmes d’accès au droit. Au contraire, il s’agit plutôt de montrer qu’il se présente comme un utile complément aux outils qui existent déjà pour communiquer des informations juridiques aux citoyens.
En effet, lorsque les centres de justice de proximité, les cliniques juridiques et autres organismes communautaires transmettent ou diffusent de l’information juridique aux citoyens, je remarque que celle-ci:
- Est essentiellement verbale (séances d’information, consultations, capsules vidéo ou audio)
- Constitue une réponse à une question précise du citoyen ou à des questions particulières communes à un grand nombre de personnes (famille, successions, logement, petites créances, etc.)
- Vise à informer sur le droit applicable à une situation problème
- Renvoie vers les ressources documentaires, institutionnelles ou professionnelles appropriées
L’écrit est donc secondaire pour transmettre l’information, et se matérialise le plus souvent par des brochures, infolettres ou articles, et plus rarement par un blogue. En outre, les informations transmises portent davantage sur les droits des citoyens que sur le droit. Ces outils répondent très bien au 1er objectif de développement en matière de justice formulé par le Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, dont les deux premiers volets consistent à sensibiliser les citoyens par la vulgarisation juridique ciblée et à favoriser les connaissances juridiques de manière à ce que les gens puissent le plus tôt possible déceler les problèmes juridiques.
L’intérêt du blogue juridique se situe quant à lui davantage au niveau de l’accès au droit qu’à celui de l’accès à la justice.
Tout d’abord par sa forme, qui est écrite, électronique, et courte. Le droit étant exprimé par des écrits, sa présentation, son explication, et même sa simplification, gagnent à emprunter la même forme. L’écrit permet de fixer les éléments importants de l’information, de conserver les mouvements essentiels du raisonnement juridique qui la sous-tendent.
Ensuite, le blogue est un outil de diffusion de l’information dont la portée est plus large que les outils actuellement disponibles.
Parce qu’il est un support de choix pour traiter de l’actualité, le blogue est un puissant outil de contextualisation des règles de droit, du fonctionnement du système juridique et judiciaire. À ce titre, il participe à l’éducation juridique du public en développant ses connaissances, sa culture et finalement ses capacités juridiques.
Parce qu’il aborde des questions pratiques tirées de problèmes rencontrés par des citoyens, le blogue explique la règle de droit à partir de son contexte d’application et contribue par là-même à en mieux faire comprendre le sens.
Quelques exemples, permettent d’illustrer le potentiel des blogues pour l’éducation juridique du public.
#1 Le blogue de clinique juridique
Écrire des billets de blogue directement tirés des cas et situations rencontrés en consultation offre une grande valeur ajoutée à l’information transmise par les cliniques juridiques. La pratique n’est guère répandue au Canada, mais le cas du blogue de la clinique de droit commercial et des affaires de la Northumbria University au Royaume-Uni illustre parfaitement un tel potentiel, comme la professeure Victoria Roper l’a fort bien démontré.
#2 Le blogue de praticien
Certains avocats ou juges décident de tenir un blogue qui relate leur expérience, révèle les coulisses des palais de justice, rend accessible au public de précieuses informations sur le système de justice et corrige les erreurs ou approximations véhiculées à propos d’affaires très médiatisées.
En France, Journal d’un avocat, le blogue de Maître Éolas (pseudonyme), a acquis au fil des années une énorme popularité pour ses éclairages et commentaires sur la dimension juridique de l’actualité, particulièrement pénale. Le droit pénal se prête d’ailleurs bien au blogging pour expliquer, démystifier, rétablir la vérité sur la portée de la loi et des affaires judiciaires. Au Québec, plusieurs blogues de droit criminel visent à éduquer les citoyens sur leurs droits et sur le droit : Le droit au silence, Couture et associés, Droit-Criminel, Morasse avocats, pour ne citer qu’eux.
# 3 Le blogue de professeur
S’il ne s’adresse généralement pas au public mais plutôt aux étudiants et pairs, le blogue de professeur sont susceptibles d’attirer et d’éduquer au droit les non-initiés, particulièrement lorsque les enjeux traités touchent à des questions d’intérêt public.
Ainsi, The Volokh Conspiracy a incontestablement son public de non-initiés américains. En Grande-Bretagne, Public Law for Everyone vise plus loin que les seuls étudiants de Mark Elliot. Le droit international expliqué à Raoul ambitionne de « faire comprendre la clause de la nation la plus favorisée à votre maman »; et plus près de nous, Droits de la personne et démocratie s’adresse à un public de non-juristes.
À eux seuls, ces exemples illustrent la diversité du public de non-initiés dont la culture juridique, les connaissances et la conscience du droit se voient enrichies par la fréquentation de tels blogues.