En matière de marques de commerce, plusieurs outils différents sont offerts aux titulaires qui auront été conscients de l’importance que représente une marque comme actif de l’entreprise.

Parmi les options disponibles, l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce prescrit que nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce. Cette disposition est intéressante, car elle offre aux titulaires de marque un recours alors même que la marque utilisée par le tiers n’est pas susceptible de créer de la « confusion » dans le marché eu égard à la nature des produits ou services qui lui sont associés. Nous savons qu’en règle générale, un titulaire de marque voudra se servir de ses droits dans une marque afin d’empêcher un concurrent de venir affecter son marché par l’utilisation d’une marque similaire susceptible de laisser croire aux consommateurs qu’une certaine association existe entre les entreprises. Il peut cependant arriver des situations où le titulaire de marque voudra préserver la forte originalité de sa marque et de l’achalandage qui lui est nécessairement associé indépendamment de son marché.

Les tribunaux ont, occasionnellement au cours des années, eu l’occasion de se pencher sur cet article bien qu’il demeure acquis que les juges sont généralement réticents à accorder des remèdes valables aux titulaires en l’absence de « confusion » possible dans le marché.  

 Dans une affaire toute récente, la Cour fédérale du Canada (2020 FC 682) a élargi l’interprétation généralement donnée à cet article en émettant en faveur de Toys R Us une injonction permanente et des dommages contre l’entreprise Herbs R Us qui œuvre dans le domaine de la vente du cannabis et des produits dérivés. On comprend immédiatement ici que les marchés sont complètement différents et qu’aucune « confusion » au sens habituellement reconnu par les tribunaux, n’est alors possible.

Pour se donner une meilleure idée des marques examinées par la Cour, il est indispensable de prendre connaissance des visuels en cause :

L’examen des marques en cause nous permet immédiatement de constater une certaine analogie entre les deux visuels. Il n’y a pas de doute que l’apparence et la perception (« look and feel ») sont tellement similaires que l’on peut certainement soupçonner Herbs R Us d’avoir voulu parodier – bien que cet élément n’a pas été mis en preuve – la marque très distinctive détenue par Toys R Us. Dans cette affaire, la Cour a rappelé les principes émis par la Cour Suprême dans l’affaire Veuve Cliquot à savoir : i) usage de la marque de Toy R Us par la partie défenderesse eu égard aux ressemblances très fortes; ii) la marque de Toys R Us est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable; iii) la marque a été employée d’une manière susceptible de faire surgir un lien et donc d’avoir une incidence sur cet achalandage; et iv) cette incidence sera probablement une diminution de la valeur de l’achalandage créant, de ce fait, un préjudice à Toys R Us.

 La Cour a donc conclu que la preuve fournie par Toys R Us (qui était notamment composée de l’affidavit de son avocat – ce qui n’est généralement pas recommandable …) établit clairement qu’un lien ou une connexité entre les marques peut naître suite à l’utilisation de la marque Herbs R Us ce qui aura un impact défavorable pour Toys R Us en ce qu’elle verra la valeur de l’achalandage de ses marques affectées négativement par suite du dénigrement, de la réduction de leur caractère distinctif et de l’érosion de leur capacité à distinguer ses produits et services causés par l’adoption de la marque similaire Herbs R Us.

 Dans sa décision, la Cour donne donc raison à Toys R Us sur presque toute la ligne ce qui pourrait faire dire à Buzz Lightyear :  Vers l’infini et au-delà !