CJUE, 26 juin 2019, C-15-/18

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie le 31 janvier 2018 par le juge de paix du troisième canton de Charleroi (Belgique), afin de répondre à une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 3 du Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 en matière d’indemnisation des passagers en cas d’annulation ou de retard d’un vol.

Dans son arrêt du 26 juin 2019, la CJUE apporte des précisions importantes sur la notion de circonstances extraordinaires au sens du paragraphe 3 de l’article 5 du Règlement.

En effet, conformément à l’article susvisé, le transporteur aérien est exonéré de son obligation d’indemnisation s’il est en mesure de prouver que l’annulation ou le retard égal ou supérieur à 3h est dû à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées, même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

En l’espèce, en raison d’un retard de plus de trois heures durant un vol effectué en 2015 avec la compagnie Rayanair, un passager sollicite le paiement de l’indemnisation de 250 euros prévue à l’article 5 du Règlement. Le transporteur aérien a refusé de faire droit à cette demande au motif que le retard était dû à la présence d’essence sur une piste de l’aéroport de Trévise ayant entraîné la fermeture de ladite piste pendant plus de deux heures.

Dans son arrêt, la CJUE commence par rappeler sa jurisprudence selon laquelle la notion de circonstances exceptionnelles couvre « les évènements qui par leur nature ou leur origine ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci » (CJUE, 22 déc. 2008, Wallentin-Hermann, C-549/07 ; CJUE, 31 janv. 2013, Ryanair Ltd, C-12/11).

La CJUE examine ensuite successivement les deux conditions permettant au transporteur d’être exonéré du paiement de l’indemnité prévue au paragraphe 3 de l’article 5 du Règlement.

  1. Tout d’abord, pour qu’une circonstance soit qualifiée de « circonstance extraordinaire », la CJUE vérifie que la circonstance invoquée par le transporteur ne peut pas être considérée comme intrinsèquement liée au fonctionnement de l’aéronef ayant effectué le vol.

Pour ce faire, la circonstance en cause doit répondre à deux conditions cumulatives : (i) elle ne doit pas être inhérente, par sa nature ou son origine, à l’exercice normal de l’activité du transporteur, et (ii) elle doit échapper à la maîtrise effective du transporteur aérien.

Or la présence d’essence ne répond à aucune de ces conditions.

  1. Ensuite, il incombe au transporteur d’établir que les circonstances extraordinaires n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

La CJUE souligne le caractère casuistique de la notion de « mesure raisonnable » dont l’appréciation est laissée à la juridiction nationale.

Seules doivent être prises en considération les mesures pouvant effectivement incomber au transporteur. Le transporteur n’étant pas responsable de l’entretien des pistes s’est trouvé, en l’espèce, confronté à une décision des autorités aéroportuaires qui a totalement échappé à sa maîtrise.

La CJUE conclut donc que la présence d’essence sur une piste d’un aéroport ayant entraîné la fermeture de celle-ci et en conséquence un retard important du vol, relève de la notion de circonstance extraordinaire et doit être considérée comme n’ayant pas pu être évitée, même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

Cet arrêt apporte certes des clarifications sur la notion de circonstance extraordinaire et de mesures raisonnables. Cependant, bien que favorable aux transporteurs aériens, cet arrêt illustre également la sévérité de la jurisprudence de la Cour envers les transporteurs aériens dans leurs rapports avec les voyageurs. Les hypothèses dans lesquelles les causes d’exonération sont retenues sont en effet rares et cet arrêt confirme qu’elles sont très strictement appréciées.

Article rédigé par Stéphanie Simon