La Directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019, officiellement dénommée directive relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et l’insolvabilité), (« la Directive ») a pour objectif d’harmoniser (a minima) le droit des entreprises en difficultés dans l’Union européenne et de tenter de gommer les disparités qui pourraient exister.

Sans créer un droit commun des procédures de restructuration et d’insolvabilité eu égard aux différences importantes entre les cadres juridiques des pays de l’Union, l’harmonisation envisagée vise surtout à assurer des solutions favorisant la poursuite de l’activité des entreprises en difficultés et éviter les liquidations « d’entreprises viables » et non pas de créer un droit de la restructuration et de l’insolvabilité uniforme.

Comme son intitulé l’indique, la Directive s’articule autour de trois axes principaux (i) les restructurations préventives, qui concentre la majorité des dispositions, (ii) les remises de dettes et déchéances et (iii) les mesures visant à améliorer l’efficacité des procédures en matière de restructuration, en limitant surtout leur durée.

Restructuration préventive

L’objectif ici est de détecter rapidement les circonstances dont pourraient découler une insolvabilité et y remédier en amont par des procédures ou mesures rapides visant à maintenir ou restructurer l’activité et éviter l’insolvabilité. Les dirigeants devront donc veiller aux intérêts de toutes les parties prenantes et prendre toute les mesures visant à éviter l’insolvabilité (Article 19).

Pour ce faire, la Directive prévoit notamment la mise en place par les États membres « d’outils d’alerte précoce » qui permettent de détecter les situations qui pourraient donner lieu à une probabilité d’insolvabilité, via par exemple les technologies informatiques (Article 3).

L’article 4 de la Directive invite les États membres à veiller « à ce que, lorsqu’il existe une probabilité d’insolvabilité, les débiteurs aient accès à un cadre de restructuration préventive leur permettant de se restructurer, en vue de prévenir l’insolvabilité et d’assurer leur viabilité, sans préjudice d’autres solutions visant à éviter l’insolvabilité, et de protéger ainsi les emplois et de maintenir l’activité économique ».

Ce cadre « peut consister en une ou plusieurs procédures, mesures ou dispositions, éventuellement dans un cadre extrajudiciaire, sans préjudice de tout autre cadre de restructuration prévu par le droit national. » (Article 4)

Dans le cadre de ces procédures, les débiteurs devraient conserver un rôle actif dans la gestion de leur société, ainsi qu’un contrôle sur leur actif, avec l’assistance, obligatoire ou facultative en fonction des circonstances, d’un « praticien dans le domaine des restructurations » (comme c’est le cas actuellement en France pour les administrateurs judiciaires) (Article 5). Associé à la suspension des poursuites individuelles (Article 6), les débiteurs pourront proposer et négocier des plans de restructuration (Article 8), pour sortir des difficultés qu’ils rencontrent.

La Directive prévoit en outre d’associer « les parties affectées » à l’adoption du plan de restructuration proposé, comme par exemple les créanciers, les détenteurs de capital ou encore les salariés (Articles 9, 12, 13). Ces « parties affectées » devront, sauf pour les PME, être réparties dans des « classes distinctes représentatives d’une communauté d’intérêt suffisante, sur la base de critères vérifiables, conformément au droit national », avec au minimum les créanciers garantis et non garantis, ou encore les créances des travailleurs.

L’autorité administrative ou judiciaire conservera un pouvoir de validation pour certains plans de restructuration (e.g. nouveaux financements, perte de plus de 25% de la main-d’œuvre etc.), qui devront en tout état de cause offrir des perspectives raisonnables de sortie de l’insolvabilité pour être validés (Article 10). Elle pourra également faire passer en force les plans de restructuration qui pourront être imposés à des classes dissidentes.

Les plans adoptés seront contraignants pour tous, à l’exception des créanciers n’ayant pas été associés à l’adoption du plan (Article 15).

La Directive prévoit naturellement que les États pourront instaurer des limites au nombre de recours possibles, aux procédures mises en place par un débiteur donné ou encore refuser les débiteurs sans perspectives de viabilité (Article 4). De même, un recours restera possible contre les plans de restructuration adoptés ; recours sur lequel il devra être statué de manière « efficace en vue d’un traitement rapide » (Article 16).

Remise de dettes

La Directive prévoit en outre que « les entrepreneurs insolvables aient accès à au moins une procédure pouvant conduire à une remise de dettes totale » (Article 20). L’objectif annoncé aux considérants de la Directive et d’offrir « une seconde chance » aux débiteurs « honnêtes ».

La Directive prévoit toutefois de nombreuses dérogations permettant d’écarter cette mesure, en cas notamment de violation d’obligations, mauvaise foi, abus etc., ou encore pour garantir l’équilibre entre les droits du débiteur et ceux des créanciers (Article 23).

Efficacité des procédures

Il est bien connu que les procédures collectives peuvent être longues et parfois très longues (plusieurs années).

Afin d’améliorer l’efficacité de ces procédures, la Directive prévoit une formation appropriée des juges afin qu’ils disposent de l’expertise nécessaire et un traitement plus rapide des procédures (Article 25).

Les praticiens désignés devront également avoir une formation adéquate. Les conditions de leur désignation/révocation et rémunération devront également être clarifiées et transparentes et les potentiels conflits d’intérêts pris en compte.

Ces dispositions impératives pour les États membres, visent à améliorer la qualité du traitement des procédures afin de gagner en efficacité.

La transposition de cette Directive doit être faite au plus tard le 17 juillet 2021, soit dans un délai de 2 ans. Ce vaste chantier est lancé et nous le suivrons de près.