Cass. Soc., 28 mai 2019, n° 17-17.929 ; 17.17.930 ; 17-17.931 FS-PB

De jurisprudence constante, le seul refus d’une modification de son contrat de travail par un salarié ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce que la Cour de cassation rappelle dans le présent arrêt. Elle rappelle en outre que la rupture du contrat de travail d’un salarié suite au refus, par ce dernier, d’une modification de son contrat de travail pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique. Cet arrêt s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence récente relative à la modification du lieu de travail, qui avait été refusée par une salariée[1].

En l’occurrence, un responsable de magasin, une directrice adjointe de magasin et un responsable de rayon avaient refusé une modification de leurs taux de rémunération variable qui avait été proposée en raison de l’augmentation sensible de la surface de vente au sein d’un magasin situé à Reims et auquel ils étaient tous affectés.

Les taux de rémunération variable proposés par l’employeur étaient inférieurs au taux contractuel d’origine des salariés concernés, la société considérant probablement que cela n’aurait pas d’impact sur le montant maximal de la part variable de la rémunération à laquelle les salariés auraient eu droit in fine, donc sans impact sur la structure de la rémunération des salariés concernés car compensé par une plus grande surface de vente.

Ces salariés ont été licenciés pour motif personnel en raison de leur refus des modifications proposées, donc les lettres de licenciement ne précisaient pas que les modifications avaient une cause économique.

La Cour d’appel avait toutefois considéré que les modifications proposées étaient justifiées, mais que la justification qui aurait dû être retenue était le motif économique. Ainsi, la Cour d’appel semblait considérer que le respect du principe d’égalité de traitement était en l’espèce constitutif d’un motif économique valable.

Elle avait alors décidé que la procédure de licenciement pour motif économique aurait dû être suivie et que tel n’ayant pas été le cas, les licenciements des salariés étaient dénués de cause réelle et sérieuse, ce que la société a alors contesté.

A l’appui de son pourvoi, la société invoquait notamment que le respect du principe d’égalité de rémunération entre les salariés constituait un motif légitime de modification du contrat de travail dont le refus était fautif, car contraire au respect du principe d’égalité de rémunération, sans pour autant devoir être de nature économique.

La Cour de cassation rejoint la Cour d’appel sur le fait qu’un motif économique aurait dû être invoqué à l’appui du licenciement des salariés concernés suite au refus des modifications qui leurs ont été proposées, ces modifications étant justifiées pour des raisons non inhérentes à la personne des salariés concernés.

Elle précise toutefois que la modification de la part de rémunération variable liée à l’augmentation de la surface de vente était constitutive d’une réorganisation qui devait être justifiée par un motif économique valable, à savoir des difficultés économiques, des mutations technologiques ou la sauvegarde de la compétitivité. En revanche, contrairement à ce qui était suggéré par l’arrêt de la Cour d’appel, la Cour de cassation n’a pas considéré que le respect du principe d’égalité de traitement pouvait être constitutif d’un motif économique valable.

La décision de la Cour d’appel n’est toutefois pas cassée par la Cour de cassation car en tout état de cause, aucun motif économique n’était valablement invoqué par l’employeur pour motiver les licenciements prononcés, qui ont donc été considérés comme dépourvus de cause réelle et sérieuse.

Il ressort de cet arrêt que potentiellement, toute modification de la part variable de la rémunération pourrait être motivée pour une cause économique valable dès lors que les raisons de cette modification sont non inhérentes à la personne du salarié.

Sans pour autant que cette procédure ait à être systématiquement suivie, dès lors qu’un refus de modification de la rémunération variable est susceptible d’avoir un impact sur la présence du salarié au sein de la société, il conviendra de suivre la procédure spécifique de l’article L. 1222-6 du code du travail, relative à la modification du contrat de travail pour motif économique.

Quand bien même les faits à l’origine de cette décision remontent à 2015, il convient de considérer que cet arrêt conserve toute sa portée dans la rédaction actuelle de l’article L. 1233-3 du code du travail qui énumère les différents motifs économiques qui peuvent être invoqués à l’appui d’un licenciement, qu’il soit individuel ou collectif.

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[1] Cass. Soc., 11 juillet 2018, n° 17-12.747